Jeudi 3 août, le ministère de l’Agriculture a dévoilé la liste de ceux qui présideront les ateliers des Etats généraux de l’alimentation consacrés au chantier de la création et de la répartition de la valeur au sein des filières agricoles et agroalimentaires. Constat surprenant : aucune structure représentative des producteurs de lait – OP, AOP, syndicat, coopérative – n’a reçu la responsabilité de présider l’un de ces ateliers.
Fin mai, la demande de participation des éleveurs laitiers aux états généraux de l’alimentation s’était déjà soldée par une réponse négative du gouvernement. Rencontres avec des élus, coups de téléphones, courrier au cabinet du ministère n’avaient pas suffi à convaincre le gouvernement que la présence des éleveurs laitiers, notamment regroupés en AOP, serait essentielle pour contribuer à l’amélioration de la filière laitière, en crise depuis bientôt trois ans.
Début août, une deuxième opportunité semble s’ouvrir aux producteurs avec l’annonce du lancement d’ateliers thématiques destinés à travailler sur la création et la répartition de la valeur. Seulement voilà, les éleveurs sont une seconde fois relégués sur le banc de touche. Pas une seule structure représentative des producteurs de lait n’est invitée à présider voire même à co-présider l’un de ces ateliers.
Main mise des politiques, des industriels et des distributeurs
Pourtant, parmi les quatorze ateliers organisés, plusieurs concernent directement l’avenir des éleveurs laitiers. L’atelier 5, destiné à “rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs” sera coprésidé une multinationale de l’agroalimentaire (François Eyraud, Directeur général de Produits frais Danone) et de la distribution (Serge Papin, Président directeur général de Système U). L’atelier, visant à “améliorer les relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs”, aura pour Président un ancien membre du Conseil constitutionnel (Guy Canivet). La question essentielle de la rémunération des agriculteurs se voit ainsi confiée à ceux qui se renvoient la balle quant à leur responsabilité dans l’appauvrissement du maillon de la production laitière. D’un côté les distributeurs[1] se disent prêts à assurer une hausse de leurs produits en rayon s’ils sont assurés qu’elle sera répercutée sur les producteurs. De l’autre, les transformateurs[2] se disent prêts à augmenter les prix payés aux producteurs s’ils sont assurés de pouvoir les répercuter à la distribution. En confiant l’atelier sur la rémunération des producteurs aux représentants de l’industrie laitière et de la distribution, le ministère de l’agriculture semble cautionner le fait que les éleveurs continuent d’être la variable d’ajustement des autres acteurs de la filière laitière.
Présence indispensable des éleveurs laitiers
Fait étonnant, la loi de modernisation de l’économie (LME) et plus récemment la loi Sapin II a incité les producteurs à se regrouper pour organiser la profession et éviter une trop forte « intégration » de la production par son aval. D’une part, les producteurs sont sommés de travailler ensemble à la construction de nouvelles formules de prix pour faire évoluer les relations contractuelles avec les transformateurs privés. D’autre part, on évince les producteurs des discussions autour de la création et à la répartition de la valeur. Où est la cohérence ?
La présence des éleveurs laitiers aux ateliers mentionnés est indispensable. L’évolution des relations contractuelles entre producteurs, transformateurs et distributeurs ne peut se faire sans l’un de ces acteurs.
Avec la proclamation des EGA, un vent de renouveau a soufflé sur la filière. Espérons que la conclusion de ces états généraux de l’alimentation ne soit pas la confirmation d’un blanc saint donné à l’industrie agro-alimentaire et à la grande distribution.
AOP Sunlait, Denis Berranger & Nicolas Bernatas