Historiquement les fermiers ont toujours payé leur fermage en quintaux de blé et kilos de bœufs, puis en monnaie sonnante et trébuchante sur la base des cours de ces deux produits. Les indices n’existent que depuis 1996.Mais jamais on a parlé du lait dans ces transactions.

Si nos arrières grands-mères étaient encore de ce monde, elles nous diraient la vérité sur cette production : le lait c’était l’économie de la maison. Il fallait traire à la main et transformer ce lait pour le conserver, soit en fromage pour améliorer la soupe quotidienne ou pour emporter avec un morceau de pain pour le repas à l’école ou au champ. Soit en  beurre pour en vendre quelques kilos sur le marché. Les quelques sous récoltés servaient à acheter ce qu’on ne pouvait produire  dans les jardins (sucre, café) mais aussi acheter du tissu, des boutons, du fil.

« Les sous du lait c’est pour faire tourner la maison pas un de plus ! » disaient les hommes dans les fermes depuis toujours et jusqu’à la 2nde guerre mondiale.

Ce n’est qu’entre deux guerres que des hommes ont commencé à faire le tour des fermes pour collecter les excédents de lait et reprendre les recettes ancestrales des femmes pour les industrialiser, les adapter à une société de consommation.

On a alors perdu, dans nos fermes, le savoir-faire ancestral des femmes et nous avons laissé s’en aller la plus-value qui avait été créée depuis des siècles.

Evidemment, il fallait rentabiliser la collecte et c’est ainsi que cette production laitière est devenue dans un certain nombre de ferme, la production principale. Mais historiquement, la traite est restée longtemps un travail de femme. Est-ce pour cette raison que cette matière première qu’est le lait ne doit pas avoir de valeur ?

Rappelons-nous que jusqu’à la 2nde guerre mondiale, la mortalité infantile était de 70/1000 naissances par an. L’amélioration de la nutrition par l’apport de lait de vache, cumulée aux efforts d’hygiène et de médecine ont permis de baisser ce taux à 3/1000 aujourd’hui. Rappelons-nous  que nos grands-parents citadins prenaient les transports pour faire le plein de provisions alimentaires dans les fermes pendant la guerre : ils avaient faim !!

Alors Messieurs les industriels et transformateurs laitiers, n’oubliez pas que le maillon essentiel de vos fabrications c’est le LAIT. Ce lait a une valeur de travail quel que soit le pays où il est produit. Quand vous nous rétorquez que c’est le marché mondial qui décide le prix payé aux producteurs, moi je vous affirme que tous les producteurs de lait au monde vendent à perte.

Qui a le droit de vendre à perte ?

Que deviendront vos usines quand il n’y aura plus de lait produit pour les approvisionner ?

N’êtes-vous pas en train de scier la branche sur laquelle vous êtes assis ?

Marie-Laure Bêchepois, 

Présidente de l’OP Perreault et chargée de communication AOP Sunlait